Laissez-nous un vocal
Un brief, une intuition, un mot doux : on écoute tout.
Comment le luxe tient-il la crise ? Quels sont les enjeux du secteur et les métamorphoses en cours ? Réponses dans ce décryptage des grandes tendances du luxe en 2021, exemples à l’appui.
Dans un monde qui va vite, il faut des images fortes. Comme celle d’Adam Driver se transformant en centaure pour Burberry. Le film pour le parfum “hero” a cassé Internet et mis en transe un public assoiffé de liberté et de rêves. Une image qui pourrait aussi représenter le luxe telle qu’il sort de cette dernière année éprouvante : puissant, hybride, imparfait et terriblement séduisant.
💪Contrairement à des entreprises de taille plus petite, les grands groupes de luxe vont bien. LVMH affiche des performances largement supérieures à celles du premier semestre 2019 et Kering, avec dans son giron Gucci ou Saint-Laurent, est repassé cet été au-dessus de son niveau de 2019 en termes de ventes. Autant dire que ceux-là, en principe, sont en mesure de continuer à explorer de nouveaux horizons, à jouer leur rôle de fer de lance.
Le font-ils pour autant ? Qu’est-ce qu’il y a de vraiment nouveau sous le soleil (inexistant) de cet été 2021 ? Si on était mauvaise langue, on serait tenté de dire : pas grand chose. Il y a évidemment le digital, ce “cheval-de-bataille-cheval-de-Troie”, exploité de toutes les façons possibles. Et puis il y a nous, femmes et hommes, que le luxe veut toucher au cœur, en investissant l’art, les grandes causes ou encore notre quotidien. Plutôt que de parler de nouvelles tendances, disons donc que le luxe passe la seconde, la troisième, la quatrième, enclenche carrément la 5ème et capitalise sur tout un tas de transformations déjà à l’œuvre.
✋ C’est parti pour notre “Give me 5” des tendances du luxe !
Avec les boutiques, flagships et autres stores condamnés à fermeture, force est de constater que toutes les marques de luxe mettent le paquet sur leur expérience digitale d’achat. En 2020, Hermès compte ainsi 75% de nouveaux clients en ligne !
L’expérience client au global, l’une des marques de différenciation du luxe, se réinvente en ligne, en exploitant toutes les options pour renforcer à la fois le “care” et la personnalisation.
Jean-Paul Gaultier par exemple converse avec ses clients par newsletter, et joue avec les codes du e-commerce : pour accéder à la nouvelle collection, il faut s’inscrire.
Du côté de chez Chanel, on retient l’appli Lipscanner qui permet de traduire n’importe quelle couleur capturée avec son smartphone en une teinte de rouge à lèvres Chanel.
Plus si nouveau que ça, mais désormais une recette qui marche dès lors qu’elle colle avec l’identité de la marque : la réalité virtuelle. Le cas d’école en la matière est sûrement Balenciaga, qui a envoyé à ses 330 invités un Oculus Rift pour découvrir son défilé l’hiver dernier.
“Bernard Arnault rachète les sandales Birkenstock” – ce titre d’article donne le ton. Le luxe chasse désormais dans nos zones de confort, prêt à se métamorphoser à la manière d’un caméléon pour investir nos quotidiens. Et ce, dans tous les domaines :
Nota bene : Le luxe cultive ses contradictions. Les marques continuent de nous faire rêver avec des défilés dans des endroits de plus en plus insolites. On pense à nouveau à Jacquemus et les désormais célèbres champs de lavande puis de blé, à Dior au stade panathénaïque en Grèce ou à Chanel dans les carrières des Baux-de-Provence.
Les collaborations sont devenues une tendance de fond. Façon maline d’assurer la communication qui va avec, d’élargir sa cible et de booster ses ventes, plus personne ne s’en prive, peu importe le secteur. Quelques exemples :
La crise sanitaire a forcé les marques à sortir de leurs retranchements. Il y a eu du gel hydroalcoolique LVMH, des masques chirurgicaux Louis Vuitton et des visières Fred.
Mais bien avant et bien au-delà du Covid, la société change. Si les marques de luxe dictaient ce qui allait faire la pluie et le beau temps, l’air du temps souffle désormais bien fort jusqu’à leurs tours d’ivoire et ce sont elles qui se retrouvent à devoir s’adapter, parfois façon tour de Pise.
Comme les années précédentes, la vague arc-en-ciel LGBTQIA+ à travers le monde apporte enfin (un peu) plus de diversité sur les podiums et dans les campagnes des marques de luxe. La preuve du côté de Jean-Paul Gaultier ou Calvin Klein.
La diversité au sens large, tout doucement mais sûrement, commence à se refléter dans la communication des géants du luxe, comme chez Gucci qui fait la une du Vogue italien avec la mannequin trisomique Ellie Goldstein. Ou chez Balenciaga qui met en scène des mannequins de tous les âges.
La nécessité de consommer de manière éco-responsable pour préserver la planète et la traduction bien réelle de cette volonté dans les actes d’achat des consommateurs incitent le secteur du luxe à se réinventer. Le Vogue scandinave l’a bien compris, en offrant la une à Greta Thunberg.
Partant du principe qu’un objet de luxe, c’est pour la vie ou presque, Weston reprend par exemple les vieux mocassins pour leur refaire une beauté. Plus récemment, le grand succès de la marque de maquillage française La Bouche Rouge prouve qu’un autre luxe est possible : sans ingrédients nocifs et surtout en encourageant le ré-utilisable. Leur marque de fabrique ? Des écrins en cuir pour les rouges à lèvres et autres poudres, rechargeables à souhait.
Le boom du seconde main force également les marques de luxe à soigner leur image sur des plateformes comme Vestiaire Collective ou Resee. Ralph Lauren n’a pas hésité à collaborer en direct avec Depop, proposant à la fois du neuf, de l’occasion et de la location de ses vêtements.
Des nouveaux modes de production, aussi, permettent à de nouvelles collections de voir le jour, plus durables. Gucci a lancé Gucci Circular Lines, une entité qui vise à appliquer davantage la production circulaire, ainsi que Off the Grid, collection réalisée avec des matériaux recyclés.
Et parfois, la complexité du sujet se heurte aux réflexes faciles d’une communication “greenwashée”: c’est ce qu’a constaté la créatrice Amélie Pichard. Après en avoir eu assez de se voir coller des étiquettes – non, ses sacs ne sont pas vegan – elle a lancé la série de mini-podcasts Dure à Cuir pour présenter et comparer le cuir et ses alternatives.
✨En somme, le luxe n’est pas à l’abri des aléas d’un monde incertain. A bien des égards, c’est à lui de s’adapter aux enjeux contemporains, qu’ils soient sociétaux ou écologiques, surtout pour continuer à séduire la nouvelle génération. Maîtrise de l’expérience digitale, quête d’authenticité et engagements forts sont les grands marqueurs de cette adaptation. Quoi qu’il en soit, le luxe peut toujours compter sur les riches de plus en plus riches, sur la Chine (d’ici 2025, un acheteur de produit de luxe sur deux dans le monde sera Chinois) et sur le clan Arnault qui ne chôme pas. Sur ce : bonne rentrée !